Le recrutement, l’un des défis majeurs des ESN ! Malgré les efforts déployés, ces entreprises de services numériques peinent à attirer et fidéliser les talents dont elles ont besoin. De multiples facteurs viennent se dresser comme autant d’obstacles à franchir : une forte concurrence entre acteurs, un turnover élevé au sein des équipes ou encore des inadéquations géographiques entre les bassins d’emploi et les zones de mission. Explorons de plus près les différentes pierres d’achoppement qui jalonnent le parcours des recruteurs.
Le recrutement dans les ESN
Dans les entreprises de services numériques, le recrutement s’effectue selon deux grandes modalités : sur mission ou sur profils. Rappelons ces spécificités.
Le recrutement sur mission
Pour répondre aux besoins de leurs clients, les ESN prospectent des ressources en vue d’intégrer des projets déterminés. Par conséquent, les profils recherchés doivent correspondre aux exigences définies en termes :
- De compétences techniques (maîtrise de langages, d’outils spécifiques).
- D’expertise métier (connaissance d’un secteur d’activité).
- D’expérience sur des missions comparables.
Les critères de sélection sont ici très circonscrits. Le recrutement cible des profils « sur-mesure » en adéquation avec le cahier des charges client.
Le recrutement sur profils
In fine, les ESN constituent également des viviers de compétences par anticipation. Il s’agit de détecter, en continu, des talents à même de rejoindre l’effectif.
Les critères de sélection se veulent davantage larges en termes :
- De technologies maîtrisées (ex : développement web, data, cloud, cybersécurité…).
- De méthodologies mises en œuvre (Agile, DevOps…).
- De niveau d’expérience global.
Pour autant, au-delà des aptitudes techniques, les ESN prêtent une attention particulière aux « soft skills » : capacités d’adaptation, de travail en équipe, curiosité, sens du service client…
Les difficultés du recrutement dans les ESN
1️⃣ Tension sur les métiers
La tension sur les métiers du numérique constitue sans nul doute l’une des principales difficultés rencontrées par les ESN en matière de recrutement.
Dans cet écosystème particulier, la demande en compétences IT excède largement, de manière structurelle, l’offre disponible sur le marché du travail.
Par ailleurs, de nouveaux métiers et de nouveaux besoins technologiques émergent en permanence, tandis que les technologies elles-mêmes se renouvellent à un rythme effréné, entraînant une obsolescence rapide des savoirs.
À titre d’exemple, le développement informatique, cœur de métier pourtant essentiel, fait face à une pénurie de ressources désormais installée durablement. Toutes entreprises confondues, cela conduit à une concurrence exacerbée pour tenter d’attirer ces précieux renforts numériques.
2️⃣ Rude concurrence entre ESN
Effectivement, au-delà de la tension inhérente aux métiers du numérique, les ESN se livrent également une concurrence féroce entre elles pour le recrutement des talents. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène :
D’une part, ces entreprises partagent globalement les mêmes bassins d’emploi régionaux. Elles chassent donc sur les mêmes territoires, se disputant âprement les meilleurs éléments locaux. De plus, les spécialisations sectorielles étant souvent proches, les cibles recherchées en termes de profils se recoupent fréquemment.
D’autre part, les grands groupes du numérique disposent d’atouts considérables : des budgets de masse salariale conséquents, une forte notoriété de marque employeur et des perspectives de carrière internationales séduisantes. Face à ces poids lourds, les acteurs de plus petite envergure peinent à rivaliser sur les mêmes armes.
Cette situation crée des tensions exacerbées. Dans cette optique de surenchère, les ESN n’hésitent pas à se livrer une guerre des offres dévastatrices, notamment en termes de rémunérations.
3️⃣ Fort turnover
Le renouvellement fréquent des équipes constitue également l’une des principales épines dans le pied des ESN. En effet, ces entreprises sont aux prises avec un turnover particulièrement élevé, notamment sur les populations de consultants.
Plusieurs facteurs favorisent ce phénomène :
- La précarité inhérente au fonctionnement par missions engendre un fort nomadisme professionnel. Les consultants transitent en permanence d’un projet à l’autre, chez différents clients, ce qui freine considérablement le développement d’un sentiment d’appartenance durable à l’entreprise.
- Surenchère permanente sur les rémunérations proposées dues à la rude concurrence entre ESN. Dans ce contexte, les meilleures ressources sont fréquemment tentées de rejoindre le concurrent en mesure d’offrir les conditions salariales les plus alléchantes.
- Image d’employeur dégradée, alimentant un turnover élevé au sein de leurs effectifs. Des conditions de travail jugées éprouvantes (forte charge d’activité, déplacements fréquents et pénibles…) conjuguées à une gestion des carrières et des perspectives d’évolution peu attrayantes poussent de nombreux experts à poursuivre leur parcours professionnel dans d’autres entreprises.
Ce renouvellement incessant des équipes engendre de multiples difficultés pour ces entreprises. Perte de compétences et savoir-faire, remise en cause de la qualité de service, coûts de recrutement et de formation récurrents… Autant d’entraves qui impactent durablement leur performance.
4️⃣ Inadéquation géographique
Les bassins d’emploi des talents numériques se concentrent majoritairement au sein des grandes métropoles françaises telles que Paris, Lyon, Marseille ou encore Bordeaux.
Néanmoins, les missions à réaliser pour le compte des clients des entreprises de services numériques sont bien souvent situées dans d’autres zones géographiques, plus excentrées. Cette inadéquation entre la localisation des ressources qualifiées et les territoires d’intervention représente un challenge de taille pour les recruteurs de ces sociétés.
Plusieurs options s’offrent alors à eux, mais chacune comporte son lot d’inconvénients. Recourir à la mobilité géographique en amont du recrutement restreint considérablement le vivier de candidats potentiels.
De plus, proposer des postes en région éloignée des pôles urbains majeurs s’avère globalement peu attrayant.
Quoi qu’il en soit, cette équation géographique constitue un frein persistant et oblige les ESN à redoubler d’efforts autant que d’imagination pour attirer les talents sur ces zones d’intervention excentrées.
5️⃣ Manque de talents sur certains emplois spécifiques
Si la tension généralisée sur les métiers du numérique complexifie le recrutement, certains emplois particuliers connaissent une pénurie aiguë de ressources qualifiées. C’est notamment le cas pour les profils experts dans des domaines très spécialisés comme :
- La cybersécurité, avec ses différentes casquettes : analystes SOC, hackers éthiques, consultants risques…
- La data science/IA : data scientists, ingénieurs machine learning…
- Le cloud computing et ses multiples expertises (architecture, sécurité, gouvernance…).
Sur ces segments ultra-techniques et en constante évolution, la demande explose tandis que l’offre de main d’œuvre peine à suivre. La formation de ces compétences pointues nécessite du temps, creusant l’écart avec les besoins immédiats.
Dans ce contexte de raréfaction extrême, les ESN se trouvent en difficulté pour constituer ces pools de talents si convoités. Contraintes de se positionner à des niveaux de rémunération très élevés, elles peinent à égaler les offres alléchantes des grandes entreprises technologiques ou industries stratégiques.
6️⃣ Conditions de travail contraignantes
Au-delà des aspects strictement financiers, les conditions de travail au sein des ESN peuvent être perçues comme relativement éprouvantes par les candidats. Plusieurs facteurs alimentent ce ressenti :
- La forte pression commerciale induit souvent des charges d’activité importantes pour les consultants, au détriment parfois de leur équilibre de vie.
- Le mode de fonctionnement par missions, on l’a évoqué, génère une forme de précarité avec des changements de contexte fréquents (clients, équipes, technologies…).
- Selon les projets, les déplacements sont parfois longs et répétés, impliquant un rythme soutenu peu compatible avec une vie de famille.
Ces contraintes peuvent se révéler difficilement acceptables à long terme, surtout pour les talents les plus courtisés qui disposent de nombreuses alternatives de carrière plus stables. Elles participent à l’image d’employeurs potentiellement peu attrayants des ESN.
7️⃣ Mauvaise image véhiculée par les ESN
Un frein non négligeable au recrutement réside dans l’image dégradée dont souffrent encore la plupart des entreprises de services numériques. Plusieurs facteurs nourrissent cette perception négative :
Tout d’abord, le modèle économique historique des ESN a longtemps été basé sur une recherche de marge maximale. Cela s’est traduit par des conditions d’emploi peu attractives : rémunérations basses, perspective d’évolution limitée, gestion des carrières défaillante…
Ensuite, ces sociétés ont souvent été associées à une forme de « marchandisation » des ressources humaines, où les consultants constituent avant tout une « ressource » à affecter sur des projets, au gré des besoins clients. Un environnement peu propice à l’épanouissement personnel.
De plus, le recours récurrent aux mobilités fonctionnelles et géographiques a ancré une image d’entreprises peu soucieuses de la stabilité et de l’équilibre de vie de leurs collaborateurs.
Aujourd’hui, malgré les efforts entrepris, cette réputation délétère persiste auprès d’une frange non négligeable des candidats potentiels. Elle entrave leur capacité à séduire les meilleurs profils, notamment les jeunes diplômés bouillonnants d’ambition.
Les ESN doivent donc redoubler d’efforts pour restaurer leur image employeur et démontrer leur réelle volonté de valorisation des ressources humaines.
Comment améliorer l’employabilité au sein des ESN ?
Revaloriser les rémunérations et avantages
Face aux multiples défis pour attirer et fidéliser les talents IT, les entreprises de services numériques doivent résolument repenser leur proposition de valeur en tant qu’employeurs.
Revaloriser les rémunérations et avantages constitue un levier important.
Cela passe par une revue des grilles salariales afin de se positionner à des niveaux compétitifs sur le marché, mais aussi par la proposition de packages d’avantages attractifs (intéressement, épargne salariale, services aux employés…).
Une plus grande transparence et équité dans la politique de rémunération permettra également de gagner en crédibilité.
Développer les perspectives d’évolution
Développer réellement les perspectives d’évolution professionnelle représente un autre axe majeur.
Il convient pour cela de structurer les parcours avec des jalons et formations clairement identifiés, tout en permettant des mobilités choisies entre conseil, avant-vente, expertise ou encore management.
Améliorer les conditions de travail
L’amélioration des conditions de travail devrait également être une priorité. Favoriser les modes flexibles (télétravail, aménagements horaires…), encadrer plus favorablement les règles de mobilité géographique, mais aussi développer une véritable culture du bien-être et de la qualité de vie au travail seront autant de gages d’attractivité durable.
Renforcer l’appartenance et la marque employeur
Renforcer le sentiment d’appartenance et la marque employeur constitue un autre levier puissant.
À ce titre, cultiver une réelle fierté d’appartenance aux valeurs de l’entreprise, communiquer sur les réalisations inspirantes et la dimension humaine, soigner l’expérience candidat tout au long du recrutement : autant d’actions indispensables pour restaurer une image positive.
Enrichir la proposition de valeur
Enfin, valoriser le caractère formateur, l’exposition à des projets variés et challengeants, les possibilités de spécialisation et d’expertise, mais aussi promouvoir les initiatives RSE, l’engagement sociétal et le sens du travail : les ESN ont de nombreux atouts à faire valoir pour se démarquer durablement !
Les 3 points clés à retenir
- Les entreprises de services numériques (ESN) font face à de nombreux défis pour attirer et fidéliser les talents IT.
- Pour améliorer leur employabilité, les ESN doivent repenser en profondeur leur proposition de valeur pour les collaborateurs, en revalorisant les rémunérations, en développant les perspectives d’évolution, en améliorant les conditions de travail, en renforçant le sentiment d’appartenance et leur marque employeur, et en enrichissant leur offre globale.
- Une véritable transformation de leur modèle économique et de leur culture d’entreprise, plaçant la valorisation des ressources humaines au cœur de leurs priorités stratégiques, est indispensable pour que les ESN puissent gagner durablement la bataille des talents.